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Motz, le 20 juin 2022 – mail envoyé ce jour à pref‐environnement@ain.gouv.fr à 8h33
Monsieur le Commissaire-enquêteur,
Je vous écris la présente en qualité de Présidente de l’Association interdépartementale du Haut-Rhône (AIHR).
L’AIHR conteste depuis l’origine cette carrière dite de Saint-Cyr sise lieux-dits « Combe Debost », « Combe Masson » et « Combe d’Enfer » sur la commune d’ANGLEFORT (01), qui génère un impact environnemental fort sur les milieux naturels, les paysages, le bruit, la poussière, la circulation des camions, constaté effectivement depuis que l’exploitation de la carrière a commencé, en 2019.
Elle est à l’origine de la décision de la Cour Administrative d’Appel de Marseille n°19LY03208 du 26 janvier 2022, aux termes de laquelle la Cour a reconnu que l’autorisation d’exploiter de cette carrière a été délivrée suivant une procédure irrégulière, l’avis de l’Autorité environnementale – principal avis rendu sur les impacts environnementaux d’un projet d’installation classée – ayant été rendu par un service placé sous la hiérarchie du Préfet de l’Ain.
Nous avons pris connaissance de l’avis rendu par la Mission régionale d’Autorité environnementale (MRAE) en date du 22 avril 2022 et la réponse qu’y a apportée l’exploitant de la carrière de Saint-Cyr, dans le cadre de la présente enquête publique.
Nous regrettons au préalable que cette enquête publique ne dure que 15 jours, alors que l’exploitation de la carrière de Saint-Cyr est soumise à évaluation environnementale (elle aurait donc dû durer un mois a minima, au titre de l’article L123-9 du code de l’environnement) et concerne des populations sur plusieurs départements.
Par ailleurs, cette enquête publique se déroule lors des élections législatives. Les députés sortants et les candidats ne peuvent se prononcer. De même, les élus locaux et la population ont d’autres préoccupations en cette période électorale.
La durée de l’enquête publique est trop courte pour permettre une information complète et une participation la plus fournie possible du public.
Nous regrettons également que l’exploitant ait fourni à la MRAE une étude d’impact non actualisée, datant de 2016, ce que la MRAE relève à de nombreuses reprises dans son avis. Or cela biaise la pertinence de l’avis de la MRAE, celle-ci n’étant pas en mesure, sur la plupart des impacts environnementaux du projet, d’apprécier l’analyse des incidences effectuée par l’exploitant faute de mise à jour, notamment sur les milieux naturels, les espèces… Alors même que le projet a pu être modifié depuis 2016, notamment sur l’accès …L’exploitant n’a même pas pris la peine d’indiquer à la MRAE que l’exploitation de la carrière avait commencé.
Nous demandons que la MRAE puisse prendre connaissance du mémoire en réponse apporté par l’exploitant, qui vient actualiser l’étude d’impact sur les points relevés par la MRAE, et donne son avis sur la base de cette étude d’impact actualisée.
Ce n’est que sous cette condition que la MRAE pourra se prononcer de façon pertinente sur l’analyse des incidences environnementales du projet.
Ces points étant précisés, nous relevons que :
– l’exploitant finit par reconnaître un enjeu notable en ce qui concerne le paysage en p. 13 de son mémoire en réponse, alors qu’il soutenait dans l’étude d’impact de 2016 p. 68 de faible à moyen.
Il ne répond pas à la remarque de la MRAE relevant que l’étude d’impact ne fait pas d’analyse des éventuelles visibilités du site depuis des points de vue remarquables, sites inscrits ou classés, hameaux ou habitations proches, alors que la localisation du projet le rend potentiellement visible depuis la vallée du Rhône en contrebas, et que l’état initial ne permet pas d’appréhender le niveau d’enjeu paysager avant l’exploitation de la carrière.
L’exploitant se contente de dire que le contexte paysager n’a pas changé, sans le détailler plus avant, alors qu’il a changé puisque la carrière a commencé à être exploitée, et sans analyser les visibilités depuis les éléments mentionnés par la MRAE avant et après l’exploitation de la carrière.
L’état initial paysager n’est donc pas correctement analyse, comme le souligne la MRAE.
Concernant l’impact paysager de la carrière, l’AIHR a pris des photographies de la carrière depuis plusieurs points de vue de l’autre côté de la vallée du Rhône, et il apparaît qu’à chaque fois l’impact paysager est fort, quel que soit le lieu, et notamment depuis le lieu-dit Venaise, à Serrières-en-Chautagne, en face de la carrière. La carrière est très visible de l’autre côté de la vallée.
Ces photographies sont les suivantes :
L’impact paysager n’est donc ni moyen ni faible, comme indiqué dans l’étude d’impact de 2016 ; il est fort, alors que la carrière est exploitée depuis moins de trois ans seulement (l’exploitation n’est même pas à 10% de son étendue finale).
Et cet impact paysager va s’aggraver avec le temps, comme le montrent les photomontages produits dans le mémoire en réponse de l’exploitant :
Il aurait d’ailleurs été judicieux que l’exploitant produise des photomontages avec une vue direct et non en diagonale de la carrière après 30 ans d’exploitation.
On peut ainsi constater que, depuis le versant opposé de la vallée, l’impact paysager de la carrière sera très fort, malgré les mesures de réduction projetées par l’exploitant.
Cela inquiète très fortement les riverains, qui ne comprennent pas que l’on ait pu autoriser une carrière sur un flanc de montagne visible depuis l’intégralité du versant opposé de la vallée, sur un secteur où les paysages sont pourtant remarquables, avec une nature préservée.
– concernant les milieux naturels et la biodiversité, l’exploitant n’a pas procédé aux inventaires complémentaires recommandés par la MRAE, alors que les précédents inventaires datent de 2008 à 2013 : aucun inventaire de l’avifaune et des chiroptères n’a notamment été réalisé, alors que de nouvelles ont pu coloniser les milieux naturels depuis 2018 à 2013.
Or la MRAE souligne à juste titre que les interrogations relatives à l’état initial de la biodiversité affaiblissent la fiabilité de l’évaluation des incidences et la pertinence des mesures proposées.
L’exploitant n’a notamment pas tiré au clair ce qu’il avait pu constater dans le diagnostic faune/flore d’ECOTOPE p. 90 en ce qui concerne les rapaces nocturnes, où il était souligné que:
Ces constats, qui font pourtant ressortir la présence de rapaces nocturnes sur l’emprise et aux alentours de la carrière, n’ont conduit l’exploitant à aucune analyse des incidences du projet sur ces rapaces, ni à intégrer ces rapaces dans la dérogation à la protection stricte des espèces obtenue en 2015.
Il aurait été judicieux de savoir ce qu’il en est à ce jour et si le projet a pu ou pourrait, au fur et à mesure de son exploitation, altérer l’habitat de ces espèces protégées.
C’est important, dans la mesure où la MRAE rappelle que le projet se situe dans un espace sensible, au sein d’une ZNIEFF de type II « Ensemble formé par le plateau du Retord et la chaîne du Grand Colombier », à proximité immédiate de la ZNIEFF de type 1 « Pelouses sèches de Champrionds », à 200m de la ZNIEFF de type 1 « Pente et falaises de Champrionds », à proximité immédiate de la zone NATURA 2000 « Plateau du Retors et chaîne du Grand Colombier », de 2 zones Natura 2000 ZSC « Forêts alluviales et lônes du Haut-Rhône » et ZPS « Ensemble lac du Bourget-Chautagne-Rhône », avec plusieurs habitats d’intérêt patrimonial fort.
Il serait enfin judicieux que la MRAE puisse se pencher sur les réponses qu’apporte l’exploitant dans son mémoire quant aux mesures de réduction des incidences mises en œuvre sur le site, ains que sur les incidences sur les objectifs de conservation des sites NATURA 2000.
– sur le cadre de vie des riverains, l’exploitant n’apporte pas dans son mémoire en réponse de mesure de la qualité de l’air avant l’exploitation de la carrière, ne suivant pas à cet égard l’une des recommandations de la MRAE.
Il ne fournit pas de mesure du bruit résiduel à Lavanche, là encore contrairement à l’une des recommandations de la MRAE. A cet égard, ainsi que le souligne Madame JAOUEN dans sa contribution versée à l’enquête publique, l’environnement global du site, situé dans une vallée, aurait dû nécessiter une méthodologie spécifique pour la prise en compte du bruit, en tenant compte du sens du vent, des températures, de la période concernée de la journée, qui font varier la diffusion du bruit. De ce fait les mesures de bruit paraissent d’une part insuffisantes (une seule, le 14 mai 2020, en période de pandémie) et d’autre part non utilisables en l’état car il n’est fait mention ni du sens du vent ni de la température, sachant que la campagne de mesures a été réalisée entre 11h30 et 14h30 seulement, période de la journée où l’exploitation de la carrière n’est pas la plus intense. Les mesures ont par ailleurs été prises en plaine et non sur le coteau.
L’exploitant n’a par ailleurs procédé à aucune analyse des incidences du bruit et des poussières sur la santé, comme le souligne la MRAE. Aucune mesure supplémentaire de suivi n’est prévu en cas d’incidence sonores ou de retombées de poussières significatives.
– il n’y a aucune analyse des incidences de l’exploitation de la carrière sur le climat, alors que le trafic poids-lourds généré par l’exploitation de la carrière va, par exemple, générer 25% du trafic PL de la RD 992. Il y a clairement une nuisance générée par la circulation des camions venant ou allant à la carrière.
– ainsi que le souligne la MRAE, et sans que l’exploitant n’y réponde, le dossier n’explique pas suffisamment les raisons qui ont amené le pétitionnaire à solliciter une durée d’exploitation de 30 ans, ne justifie pas le besoin de matériaux à l’échelle locale. Le dossier ne contient pas de comparaison entre la production des roches massives et les besoins, ni d’estimation des besoins pour la durée d’exploitation prévue, ne mentionnant que les disponibilités du gisement.
– si l’exploitant propose un cahier des observations à destination des riverains, dont l’analyse est réalisée en tant que de nécessité (sans que le riverain plaignant ne soit informé : manque de transparence), les modalités ne sont pas précisées (lieu où sera le carnet, conditions d’accès au cahier…) et cela ne correspond pas au recueil en continu recommandé par la MRAE.
Or les riverains ont besoin de pouvoir faire remonter en continu les nuisances qu’ils subiraient du fait de l’exploitation de la carrière.
Pour tous ces motifs, l’AIHR considère que :
– l’exploitant de la carrière de Saint-Cyr n’a pas mis la MRAE en mesure de rendre un avis complet sur l’analyse des incidences du projet, faute d’actualisation de l’étude d’impact ;
– l’exploitant de la carrière de Saint-Cyr n’a pas répondu ni suivi l’ensemble des recommandations de la MRAE ;
– l’exploitation de la carrière de Saint-Cyr génère un impact environnemental qui n’est pas suffisamment encadré ni corrigé par l’exploitant, notamment au niveau des paysages.
Elle s’oppose donc, d’une part, à la régularisation du dossier d’autorisation environnementale de la carrière de Saint-Cyr, et réclame la cessation de son exploitation.
En vous remerciant d’avance de la prise en compte de ces remarques, veuillez agréer, Monsieur le Commissaire enquêteur, l’expression de ma considération.
Sophie TRINQUAND,
Présidente de l’AIHR
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